Conférence de la Marine Nationale "L’Arctique : espace de toutes les
convoitises ?" par Hervé Baudu, chef de l’enseignement maritime à l’ENSM

L’invasion de l’Ukraine par la Russie fin février 2022 a radicalement changé le paysage arctique.
Cet espace bénéficiait jusqu’alors d’un exceptionnalisme régional grâce notamment à son mode de gouvernance particulier.
La Russie, présidente du Conseil de l’Arctique pour 2 ans depuis mai 2021 avait pour ambition de faire de l’Arctique un espace de développement économique ouvert, notamment à travers le développement de la route maritime du Nord.
Les réactions de Vladimir Poutine face à la fronde de sanctions économiques occidentales et à la réaffirmation de l’Otan avec la décision de la Finlande et de la Suède d’y adhérer, se traduisent par le retour d’un ostracisme de la Russie sur l’Arctique.
L’impact des sanctions occidentales sur les grands projets industriels gaziers notamment en péninsule de Gydan avec Arctic LNG2 où la maîtrise d’ouvrage était assurée en partie par une entreprise française n’a pas fait fléchir Moscou qui poursuit sa politique ambitieuse de développement en Arctique.
Certes, l’augmentation du trafic maritime à 80 millions de tonnes sur le passage du Nord-Est voulue par Vladimir Poutine pour 2024 n’a pas été atteinte mais la volonté de poursuivre son essor avec l’émergence de nouveaux pôles d’extraction de minerais et d’hydrocarbures viendront à cours termes satisfaire ses objectifs.
La construction d’une série de nouveaux brise-glaces de 60MW à propulsion nucléaire, dont 3 sont déjà en service, vient confirmer l’urgence de son développement.
La route maritime du Nord est presque exclusivement empruntée par des tankers brise-glaces qui assurent la navette entre les centres de production de Sibérie vers l’Asie.
La route vers l’est est même partiellement ouverte pendant l’hiver.
Si les investissements des infrastructures promis par la Russie pour sécuriser la route maritime ne sont pas encore au rendez-vous, le trafic s’intensifie au profit de l’Asie et l’Inde mais au détriment de l’Europe.
Dans cette nouvelle période de tension, il est à craindre que la route maritime du Nord soit de plus en plus contrôlée par la Russie.
Faudra-t-il s’attendre à une présence plus importante des Américains dans l’Arctique ?
L’Administration toute puissance de la route maritime du Nord sous l’autorité d’Atomflot est-elle une entrave à la libre circulation des navires en haute-mer libre de glace en été ?
La Chine, partenaire de circonstance de la Russie, va-t-elle en profiter pour accroître sa présence en Arctique ?
Le retrait des Russes dans les projets liés à la protection de l’environnement au sein du Conseil de l’Arctique ne risque-t-il pas de nuire à la préservation nécessaire de cet espace fragile ?

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